La Sanch

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Pénitents

La Sanch de Perpignan, c’est un évènement singulier imbu de symbolisme. Naturellement, puisqu’on est le vendredi-saint, pour  les participants, le silence et la mine déconfite sont de rigueur. Aussi obligatoire sont les vêtements uniquement en noir (pour la mort) ou en rouge (le sang), sauf pour les enfants de chœur et les prêtres (les innocents et les élus) où quelques touches de blanc sont permis.

 

La procession de la sanch 2012

Dans la foule, près du point de départ, je me demande ce que tout ça veut dire dans la France plutôt agnostique du XXIe siècle. J’écoute l’assistance dans l’espoir d’une réponse. Une femme me dit : « Monsieur. Ayez la gentillesse de bien vouloir vous écarter un soupçon. Je suis ici depuis une demi-heure et j’espère prendre de belles photos. » Un homme est lassé : « Je ne viens que pour accompagner ma femme. Nous venons toujours à ce café. » Les badauds sont majoritairement des touristes, j’ai l’impression. Pour nous il n’y a pas de tenu règlementé, pas de comportement codifié, pas de ferveur religieuse. Seulement quelques-unes font le signe de la croix. Au début, j’ai l’impression que la procession n’est que du folklore réchauffé. Encore un spectacle dédié à la gloire d’un autre dieu plus en vogue : les magasins et les restaurants font un sacré chiffre d’affaires.

 

Deux misteris

Deux misteris

 

Entretemps la procession continue de défiler devant moi. Il y a tant de participants, tant de misteris (scènes de la crucifixion portées sur les épaules des pénitents) que je commence à croire que la tête du cortège est revenue. Plus tard je compte près de 700 participants dans le défilé et environ 35 misteris. Le tout a pris une autre dimension, même pour moi, un mécréant.

 

Le Christ

La Sanch 2012

 

Je fais désormais plus d’attention aux commentaires débités par les haut-parleurs entre les traditionnels goigs (chants). Ils parlent de crimes, de châtiment et d’injustice. Le supplice de Jésus, bien sûr, mais aussi d’autres punitions. De l’époque où un condamné à mort aurait eu de la chance s’il arrivait à l’échafaud encore vivant. Au moyen âge la foule pouvait arracher un prisonnier de ses gardiens  et prendre sa vengeance illico.

 

La Creu dels Improperis (la Croix des outrages) et Marie pleurante

La Creu dels Improperis (la Croix des outrages) et Marie pleurante

 

Et là se trouve une des sources d’inspiration du défilé d’aujourd’hui. En 1416 Vincent Ferrier, un prêtre dominicain, arriva à Perpignan et inspira la communauté croyante. Un de ces sermons marqua tellement les esprits que deux confréries s’unirent pour créer la confrérie de la Sanch (prononcer « sank »). Pendant plusieurs siècles elle accompagnera le condamné à mort depuis la prison à travers les rues de la ville jusqu’au pied de l’échafaud, puis assurera son enterrement chrétien. Les participants portaient tous une robe longue et une cagoule en pointe pour cacher l’identité du coupable parmi eux.

En même temps ils créèrent une célébration de la crucifixion la veille du vendredi-saint (jour retenu jusqu’en 1958, à partir de quelle date le vendredi s’impose). Elle allait devenir une fête identitaire pour toute la ville.

 

 

Si la procession aura bientôt survécu 600 ans sans être trop altérée par le temps on peut remercier l’église, pourtant pas toujours favorable à son maintien. Au XVIIIe les autorités la considéraient trop décadente, trop espagnole (!) et pour plus d’un siècle la tradition continuait dans les confins de l’église de saint Jacques. Elle a failli disparaître au XXe aussi. L’évêque Joël Bellac ne l’aimait pas. Heureusement son successeur Henri Lheureux n’était pas du même avis.

 

Les « Instruments de la Passion »

Les « Instruments de la Passion »

 

La procession est devancée par la croix des outrages, qui raconte l’histoire de la crucifixion pour la paysannerie médiévale illettrée. Les « Instruments de la Passion » que l’on voit ci-dessus sont les suivants : le calice de la Cène. La lanterne des gardes venus arrêter Jésus. L’épée de saint Pierre avec l’oreille découpée de Malchus, le serviteur du grand prêtre. Le coq qui chanta à l’aube. La main du grand prêtre qui gifla Jésus. Le vase d’eau avec lequel Ponce Pilate se lava les mains.  La tunique et la couronne d’épines utilisées pour habiller Jésus en « roi ». Les dés utilisés par les soldats pour décider qui gagnerait ladite tunique. Le marteau pour les clous. La pancarte « INRI ». La lance utilisée par le centurion Longin qui perça le flanc de Jésus. Une autre lance, avec une éponge imbibée de vinaigre pour assouvir la soif. Les tenailles et l’échelle pour la descente de la croix. La corde utilisée par Judas pour se pendre. Et une trompette, la trompette de la résurrection, je suppose.

Sources:

Encyclopédies Bonneton (2000) Pyrénées-Orientales Roussillon.  Paris: Bonneton.

Histoire du Roussillon

Tout 66

L’office de tourisme de Perpignan

L’ Independant (journal)

L’Express

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