Gîtes d’étape sur le sentier cathare, mai 2012

Cet article est également disponible en: Anglais

Tous semblables, tous différents

Le château de Foix

Le château de Foix

 

Y a de quoi voir sur le sentier cathare entre Foix et Quillan – ça sera le sujet d’un autre article. Mais ce qui m’a frappé c’est la qualité et la variété de gîtes d’étape sur le parcours. Pour les prestations, je vous conseille les sites mis en lien. Ici il s’agit de l’accueil réservé aux randonneurs (nous étions 8, d’un club de rando de Lézignan-Corbières). D’emblée, j’insiste : c’est le top. On mange bien. Entre Foix et Quillan il y a 116km et 4384m de dénivelé positif mais malgré cela j’ai pris 2,5 kg, en six jours. C’est dire !

RoquefixadeMontségurComus EspezelQuirbajou

 

Le château de Roquefixade

Le château de Roquefixade

Le Relais des Pogs, Roquefixade (54€)

Chez Christian et Brigitte Chevret.

Au menu, pâté et pain maison, salade du jardin, tagine, fromage (Bethmale), gâteau au chocolat.

Au milieu du repas, le patron prend une chaise et s’installe au bout de notre table.

« Au gîte de demain vous n’aurez qu’une saucisse, une feuille de chou et une patate. Mangez ! » On n’a pas besoin d’encouragement, c’est délicieux. Notre seul regret est que c’est notre première jour et nous n’avons pas encore une faim de Monsieur Mangetout.

Quelqu’un lui demande une bouteille d’eau pour le lendemain.

« Nous avons dépensé six mille euros pour avoir de l’eau propre. Ici vous pouvez boire l’eau du robinet sans crainte. C’est pas le cas chez le voisin. Lui, il a mis du purin au-dessus de la source. Bonjour les dégâts. La mémé, deux semaines dans le coma. Typhoïde. Avant, nous étions pharmacologues tous les deux, mon coco. » Il prend mon bras gauche comme s’il allait en extraire du sang. « Le maire m’a demandé ce qu’il fallait faire. Faut pas s’en mêler. »

Après, au lit, je digère difficilement.

Il faut signaler que les draps sont fournis – chose rarissime en gîte d’étape. En plus il y a un mini billard !

 

Le village de Montségur et son château

Le village de Montségur et son château

Lou Sicret, Montségur (40€)

Chez Jean Luc Massera.

Fatigués et ayant froid, nous cherchons le gîte d’étape Massera. Personne dans les rues pour nous renseigner. Finalement, nous nous rendons compte qu’il s’agit de Lou Sicret. Un léthargique patou nous accueille mollement.

C’est peu après une averse. Le patron nous dit d’entrer sans enlever les chaussures et de nous mettre autour du feu. Il a préparé une tisane pour nous réchauffer.

Respounchous

Respounchous

Oui, bien sûr, nous pouvons avoir de l’huile et du vinaigre pour accompagner les respounchous (tamier) que nous avons cueillis sur le chemin. Non, il n’a pas de moutarde, sauf une boîte de poudre laissé par des anglais l’année dernière. Un cuistot sans moutarde ! Il est bien sympathique, mais nous craignons pour la suite.

L’heure de manger arrive. Apéritif de vin rosé au pamplemousse, à la mode ici. Ensuite nos respounchous, plutôt amères à mon goût. Après nous engloutissons la soupe au potiron, reprenant un deuxième bol, au cas où. Salade. Et puis c’est le tour de la saucisse et feuille de chou. Mais au lieu du petit bout de saucisse maigrelette redoutée, c’est un monstre qui dépasse largement les bords de l’assiette. Et le chou est une délicieuse compote. Ensuite une croustade de pomme maison. Bref, un sans-faute.

Le cuistot officine dans une sorte de hutte à extérieur, malgré la présence d’une cuisine équipée dans la pièce où nous mangeons. À chaque fois qu’il entre, une rafale de vent nous refroidit. Sur la montagne en face la neige commence à tomber. On se demande pourquoi il ne travaille pas à l’intérieur, puis on aperçoit une succession de jeunes qui mangent une ou deux bricoles avant de repartir. Le McDo du village, en quelque sort.

Le chef nous dit qu’il n’est pas né ici, mais qu’il a des racines au village ce qui veut dire qu’il n’est pas considéré complètement comme un étranger.

Le matin, c’est du pain cathare, et des toasts habituels mais aussi des tranches de lard bien salées. Un délice.

Gîte communale « le Barry du Haut », Comus (49€)

Chez Anne Pagès.

Le gîte d’étape de Comus, c’est ici

Le gîte d’étape de Comus, c’est ici

Quand nous arrivons au gîte d’étape communale de Comus il n’y a personne mais une pancarte nous incite de prendre possession des lieux, fraîchement rénovés. Il y a du thé, du café et de la bière à notre disposition, ainsi que des chocolats. Anne Pagès, la gérante, arrive quelques minutes plus tard, sourire aux lèvres.

Au fur et à mesure nous découvrons notre hôte et son village. Anne n’est pas native du village – elle vient de l’Ariège (10km) – mais elle y habite depuis plus de cinquante ans. Elle nous dit qu’il n’y a plus que vingt-six habitants.

Elle se plaint « Les anciens mettent toujours un point d’honneur à dire que je ne suis pas d’ici »

« C’est la seule chose qui leur reste de leur identité, je propose. Tout a changé depuis leur jeunesse. Les valeurs ne sont plus les mêmes. Ils n’ont que ça maintenant pour se valoriser. »

« Non. Le village n’a pas beaucoup changé, elle insiste. Les maisons, quand elles se vendent, tu ne sais qu’après. C’est toujours quelqu’un qui a des racines ici qui achète. »

Effectivement l’attachement à la commune est fort. En nous baladant plus tard nous allons voir le cimetière. Il est plein. Il y a même une liste d’attente : la mairie a été obligée de lancer une procédure de reprise des concessions à l’abandon. On revient à la retraite, donc, ou in extrémis au dernier moment.

Mais le village a dû changer, tout de même. En 1962 il y avait 157 habitants. Selon l’INSEE en 2008, il n’y en avait que 40 dont 58% de 65 ans ou plus. Je dirais qu’il y a environ cent maisons actuellement, la plupart en très bon état, visiblement résidences secondaires. Aucun magasin ni bar.

Sur une porte du gîte une affiche proclame « Tous les espèces sont utiles ». En-dessous, la photo d’un renard. Une autre affiche, avec des milliers de petits pingouins mignons comme tout nous renseigne qu’ils sont « Tous semblables, tous différents » La diversité génétique est une richesse pour la planète.

Ce qui veut dire qu’un croquis géant sur le mur de la salle principale m’interpelle. Intitulé « Oui à la réintroduction de l’ours », l’ours en question est debout avec un homme derrière, pantalons autour des pieds. La nature de la réintroduction proposée est évidente, quoiqu’invisible.

Soit on interprète le croquis au premier degré (pour les réintroductions), soit au deuxième degré : il n’y a que les pervers qui peuvent être en faveur.

Je dis à Anne que le croquis est plutôt ambigu.

« Moi, je ne vois qu’une interprétation possible » me répond-elle.

Ici encore on mange très bien. Sangria maison, soupe de fanes de radis et riz, blanquette de veau et ses pâtes, trois fromages, y compris du Bethmale, tarte aux abricots. Le plat principal est accompagné d’un pesto à l’ail des ours. Naturellement.

Le Relais du Pays de Sault, Espezel (43€)

 

p'tit Louis sur TF1

p'tit Louis sur TF1 (vidéo)

 

Chez Louis Pech. Voir aussi reliboukitchen.

Tout le monde nous l’a dit : chez P’tit Louis au Relais du Pays de Sault c’est gastronomique, et c’est bien le cas, c’est l’étoffe des légendes. Rivesaltes ambré, saucisson normal, et saucisson de foie, salade, canard confit et pommes de terre du pays de Sault rissolés, trois fromages, fraises et chantilly maison. Sans chichi, c’est une bonne table bien de chez nous.

Louis Pech

Louis Pech

Avec un croquis du patron sur toutes les assiettes, et son portrait sur le mur nous reconnaissons notre hôte tout de suite quand il surgit de derrière le bar. Il est en représentation, nous le savons immédiatement. L’audois ancien-treiziste authentique, sauf pour la coiffe.

« Je viens de regarder la corrida de Madrid » nous explique-t-il, indiquant son béret noir, plus associé avec le pays basque, qu’avec l’Aude maintenant.

Il nous dit qu’il était épicier avant de devenir hôtelier. Il a soixante-quatre ans ou peut-être soixante-quatorze ans et est à la retraite depuis cinq ans. En principe. Mais il est toujours ici chaque soir. Hier, il y avait cent soixante couverts.

Il sort le porrón. En fait il en sort deux et tout le monde y boit, qu’il le veuille ou non, des deux en même temps. Puis c’est son tour de force, boire du porrón, sans gaspiller une goutte, un filet de vin rouge qu’il verse sur son front, qui coule le long de son nez pour finir bien comme il le faut dans sa bouche. L’effet est bizarre, comme si du sang coulait d’une blessure invisible.

À la fin du repas il nous dit : « Je m’en vais. Je vous laisse la clé au cas où vous voulez sortir. Ne vous inquiétez pas. Vous pouvez pas vous perdre. N’oubliez pas, la gare de TGV est en haut, l’aéroport en bas. »

Le lendemain il est là avec une assiette de crêpes assorties d’un florilège de confitures, du jambon sec, des fromages, du pain et des toasts.

La maison jaune, Quirbajou (44€)

 

La maison jaune, Quirbajou

La maison jaune, Quirbajou

 

Chez Françoise Bellis et Stéphane Warot. Voir aussi le récit d’une woofer (en anglais).

À Quirbajou, notre prochaine étape, le contraste est saisissant. Autant que p’tit Louis était bien en chair et joviale notre hôte de ce soir est frêle et inquiet. P’tit Louis veut commencer sa retraite véritable ; Stéphane l’a déjà prise officiellement il y a trois ans, mais au lieu de se retirer du monde actif, il s’est lancé vers de nouvelles aventures. J’admire son volontarisme.

« Nous avons trop entrepris en même temps, nous dit-il. Rénover le gîte, démarrer la ferme, et accueillir des randonneurs en table d’hôte chaque soir, c’est trop. »

Avant il combinait les métiers de traiteur et libraire dans la ville de Cahors. « J’ai tous mes livres en cartons actuellement. Je vais mettre des étagères le long du mur dès que j’aurai un moment. La lecture est importante. » C’est vrai qu’il a mis des lampes de chevet à coté de chaque lit. Normalement si tu veux lire au lit en refuge, tu dois sortir la lampe frontale.

Lui, sa femme, et une woofer suisse-allemande gèrent une exploitation agricole hors normes. « J’ai plus de soixante ans, Stéphane nous explique. Donc, je ne peux pas prétendre aux subventions. Nous avons neuf brebis et trois élèves, cinq chèvres, deux cochons et deux ânes. Les chèvres mangent tout ce qui est haut et les brebis tout ce qui est bas. Les cochons mangent les restes de la cuisine. Nous avons trente hectares répartis sur plus de deux cents parcelles. C’est la folie ! Les parcelles ont été divisées lors des héritages. » Tout est bio, et la rénovation plus coûteuse car ils insistent sur des matériaux respectueux de l’environnement. « Demain je vais installer la laine de bois. »

En apéritif nous dégustons son vin de noix. S’en suit une salade, des truites bio avec riz et fenouil braisé, trois variétés de fromage de chèvre, et une mousse au chocolat maison, également au lait de chèvre.

Je suis agréablement surpris par le fromage de chèvre, que je trouve souvent trop sec et trop fort. Le fromage de Stéphane est onctueux. « C’est parce qu’elles peuvent manger de l’herbe verte actuellement. Quand elles n’ont que de la broussaille à manger, comme chez vous dans les Corbières, le goût est plus relevé. »

« Pour avoir le lait pour le fromage, il faut sevrer les chevreaux tout de suite. On les nourrit à la main. Ils sont très attachants. Ils te suivent partout. Même le nabot, je l’ai gardé parce que personne d’autre le voulait. »

Il est actif dans la Confédération paysanne de Bové. Le gîte est labélisé « Accueil paysan ».

Nous voulons déjeuner à 7h30 le matin. L’heure lui semble un peu tôt mais, puisque nous avons un train à prendre, il acquiesce de bon gré.

***

[Les prix cités sont pour demi-pension plus pique-nique. Noter : dans tous les villages sauf Quirbajou il y a d’autres possibilités d’hébergement. Nous n’avons fait que la moitié du chemin, entre Foix et Quillan, et même là, nous avons raccourci le trajet, passant directement d’Espezel à Quirbajou.]

 

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One Response to “Gîtes d’étape sur le sentier cathare, mai 2012”

  1. […] Une fois arrivé en haut, actualité oblige, Jason nous raconte sa vérité sur l’ours. Mais c’est pas le sujet ici, donc passons. Puis, vu le temps incertain, nous redescendons à la ferme pour s’installer dans la grange libérée des vaches, sur des bottes de paille. On partage un repas festif, agrémenté de tournées du porrón. Selon Jason, il convient de dire « Carcassonne » en buvant sans, bien sûr, perdre une goutte du vin. Très peu y arrivent, à l’hilarité générale. Même si certains font une démonstration de technique remarquable, personne n’essaie d’imiter P’tit Louis que j’ai vu au Relais du Pays de Sault. […]

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