Ours, mythes et réalités : Muséum d’Histoire naturelle de Toulouse

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Ours, mythes et réalités, exposition

Ours, mythes et réalités: dans la caverne

L’exposition « Ours, mythes et réalités » vient d’ouvrir ses portes au Muséum d’Histoire naturelle de Toulouse. Installée dans une caverne au sous-sol, l’exposition a tout pour plaire : des plus petits qui trouveront un carrousel miniature et d’autres jeux, aux adultes avides d’une perspective globale sur le problème des Pyrénées. Les seules personnes qui risquent de se sentir laissées pour compte sont les éleveurs montagnards qui, eux, voient les dégâts de ‘Martin’, un des surnoms de l’animal en question.

Comme il se doit au Muséum, l’exposition se positionne clairement pour la cohabitation ours–homme.

« Les enjeux liés au maintien de l’ours dans les Pyrénées vont au-delà de la conservation de la biodiversité et reposent avant tout sur la recherche d’une cohabitation entre la diversité des activités humaines et la gestion de la faune sauvage sur un territoire à partager. »

Et ne rechigne pas à appeler aux sentiments :

« Parce qu’ils ont toutes les formes du bébé : une truffe, des oreilles, un ventre rond et pas de crocs quand leur bouche est fermée ; les ours déclenchent un sentiment d’infini tendresse – Boris Cyrulnik

Cette dernière citation est accompagnée d’un jeu d’hologrammes, l’une avec un homme que se cache derrière un arbre. Selon le point de vue, c’est soit un homme, soit un ours. Ou bien l’autre, une femme allaitant son bébé qui devient une ourse avec son ourson.

homme-ours au Muséum de Toulouse

Homme-ours

L’exposition aurait pu s’appeler « L’ours, c’est nous » car il met en exergue non seulement les relations ours‑–homme mais surtout l’identification que l’homme se fait avec le plantigrade.

Elle commence dans le globale, avec des spécimens naturalises des huit grands lignages de l’ours, pour progressivement se focaliser sur l’ours brun pyrénéen.

Ours à collier, ours brun, ours polaire au Muséum de Toulouse

Ours à collier, ours brun, ours polaire

 

En remontant le temps on voit bien que les relations homme–ours ont évolué.

Commençons avec les mythes. L’ours en tant que séducteur de femme que raconte l’histoire pyrénéenne ‘Jean de l’ours’ trouve des échos à travers le monde. Pour Saint Augustin, il était le diable incarné. Pourtant, au Moyen Age en Europe l’ours fut considéré le roi des animaux ; sa présence sur les blasons de familles nobles en est un témoignage éloquent. La fête de l’ours du Vallespir en est un autre.

Fête de l’ours à Prats-de-Mollo, 2012

Fête de l’ours à Prats-de-Mollo, 2012

 

Puis venait le temps de la grande chasse en Europe et dans les Pyrénées. Le XIXème fut le temps des dompteurs d’ours, entre autre les orsalhers d’Ercé en Ariège. Mais au tout début du XXème siècle, quand il ne représentait plus le danger, c’est l’ours qui nous a domptés à travers les nounours, les teddybears. Et maintenant dans nos villes nous n’avons plus peur du ‘Moussu’.

Par ailleurs, c’était ni les chasseurs, ni les prélèvements des orsalhers qui ont éradiqué les ours. C’est la déforestation de la France entière qui nous en a laissé une vingtaine acculés dans nos montagnes. La montagne n’est pas l’habitat naturel de l’ours.

Pourtant, il est bien là et la fin de l’expo se situe bien dans les Pyrénées, avec l’arbre généalogique des ours actuels et leur localisation. Et c’est ici que deux propos m’ont interpellé.

L’ours Cannelito, est décrit comme le « dernier représentant de la souche originelle ». C’est un peu tricher car bien que sa mère fût la pyrénéenne Cannelle, sa grand-mère paternelle était Ziva, une des ourses introduites en 1996. D’habitude on dit que Cannelle était la dernière, non ? Pourquoi cette obstination de prolonger une dynastie éteinte ?

À côté, un autre glissement sémantique : « L’enjeu pyrénéen [est lié] au maintien d’une population endémique. » Pourtant la mort de l’isolat génétique, programmée  avec l’introduction d’ours slovènes en 1996 et les apports de 2006, est maintenant un fait. La population n’est plus endémique.

L’ours des Pyrénées est mort, vive l’ours des Pyrénées.

Squelette de l'ours Papillon au Mus/eum de Toulouse

Squelette de l’ours Papillon

 

À côté de l’arbre généalogique se trouve le squelette d’un de ses membres, l’ours Papillon, d’apparence fragile, à l’exception de ses griffes puissantes ; et en face Cannelle, Palouma et un ourson naturalisés. Impressionnante, Cannelle, morte en 2004, dernière femelle de pure souche pyrénéenne.

Cannelle, la dernière ourse pyrénéene, naturalisé, au Muséum de Toulouse

Cannelle, la dernière ourse pyrénéene, naturalisée

 

Bien que l’exposition parle de cohabitation avec l’homme, elle évite la question qui nous préoccupe : comment faire. Le discours n’énumère pas les brebis mortes.

En somme les inconditionnels du maintien de l’ours dans les Pyrénées vont être confortés dans leur vision globale de la question ours. Globalement je partage cette vision, mais en revenant au niveau local, je comprends pourquoi certains éleveurs veulent l’éradiquer. Et comment ils peuvent en toute logique justifier cette position. C’est dommage que l’exposition ne soit pas allée plus loin dans cette direction.

Si je devais faire un sommaire de l’exposition je prendrais cette citation :

« En tuant l’ours, son parent, son semblable l’homme a depuis longtemps tué sa propre mémoire et s’est plus ou moins symboliquement tué lui-même. »

Ours, mythes et réalités : Muséum d’Histoire naturelle de Toulouse – du 11 octobre 2013 au 30 juin 2014

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