Canigó : nouveau mode d’emploi (à pied)

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Canigó : on se bouscule au sommet

Canigó : on se bouscule au sommet

 

Le syndicat mixte Canigó Grand Site réfléchit sur l’accès à la montagne fétiche des Catalans. Cela va compliquer l’approche à la montagne (voir ci-dessous) mais c’est aussi une page qui se tourne dans le grand livre du Canigó.

Initialement considéré reculé, sauvage, même dangereux, le Canigó est depuis longtemps devenu un symbole catalan, leur montagne sacrée. Il a été exploité pour ses ressources en minerai et en bois, et a failli subir les pires excès du tourisme de masse. Mais maintenant on lui propose une vie plus calme.

 

 

Canigó vu du nord

Canigó vu du nord

 

et du sud (Pic des Sept Hommes)

et du sud (Pic des Sept Hommes)

 

Terra incognita

C’est à Pere III le Grand, roi de Catalogne et d’Aragon, que l’on attribue la première ascension, autour de 1280. Au sommet il aurait rencontré un dragon qui surgissait d’un lac. Étant donné que les lacs sont 500m plus bas, ce détail me fait douter la véracité du récit.

Néanmoins, St Jordi (Georges) devint le saint patron de la Catalogne, ce qui en fait du dragon son ennemi attitré.

Ici Catalogne

Pendant les siècles qui suivent cette première rencontre, la montagne est entrée dans le cœur des Catalans, malgré le fait qu’il se trouve en territoire français depuis le traité des Pyrénées de 1659.

Un des faits marquants dans cette histoire fut la publication en 1886 du poème narratif Canigó sous la plume de Jacint Verdaguer, figure de la Renaixença, la renaissance romantique des sentiments catalans. Le Centre Excursionista de Catalunya commençait l’exploration du sommet. Au cours du 20eme siècle ces excursionnistes et les scouts valorisaient d’autres montagnes, tel le pic d’Estats, le toit de la Catalogne en tant que patrimoine catalan en dépit de l’oppression franquiste.

Entretemps, la flamme catalane était aussi préservée en France. Pour la fête de St Jean 1955, un certain François Pujade monta au sommet du Canigó allumer un feu de joie. Et par la suite la répétition de son geste chaque année trouvait écho dans les villes et villages qui entourent ce pic et bien au-delà.

Et maintenant la montagne se retrouve avec une nouvelle appellation : le nom catalan « Canigó » remplace le français « Canigou », le libérant ainsi de son association avec la bouffe pour chien. (Par ailleurs la prononciation reste inchangée.)

 

Núria: patrimoine catalan

Núria: patrimoine catalan

 

Et cette histoire d’amour montagnarde ne se limite pas au seul Canigó. Les sanctuaires de Montserrat et de Núria, nichées dans leurs montagnes respectives, sont devenus des hauts lieux de la mouvance catalaniste. Jordi Pujol, le premier président de Catalogne depuis la dictature, sut valoriser la boue pyrénéenne sur ses chaussures de randonnée.

Et le peuple dans tout ça ?

Quasiment sans habitation au-dessus de 1000m, le Canigó Grand Site est un paysage relativement naturel, à quelques exceptions près.

L’industrie minière a laissé des balafres, notamment près de Batère, et la forêt elle aussi a été exploitée, quoique l’ONF ait beaucoup réparé. On peut y voir des troupeaux, notamment sur le Pla Guillem, sur le flanc sud et près des Cortalets, mais ce n’est pas un pastoralisme intensif et finit par entretenir une biodiversité qui autrement disparaitrait sous la couverture forestière.

 

Pla Guillem au coucher du soleil

Pla Guillem au coucher du soleil

 

Et puis il y avait le tourisme, qui apportait son lot d’automobilistes, randonneurs et ascensionnistes. Au début « accès » et « aménagement » étaient les mots-clés, et certains idées plutôt farfelues ont surgi : une station de ski ou bien une tyrolienne. Heureusement aucun des deux projets a finalement vu le jour. On peut aussi se réjouir de l’échec du projet de relier la vallée de Vallespir au sud avec le Conflent au nord. Malheureusement le Pla Guillem fut profané avec un dense réseau de chemins dans les années 1960 mais ceux-ci sont en train de disparaitre, grâce aux travaux de Canigó Grand Site.

 

Pla Guillem à l'aube

Pla Guillem à l’aube

 

Vers un Canigó 21eme siècle ?

Si ce nouveau schéma voit le jour, les frontières de la « civilisation » se retrouveront plus basses. Au lieu d’être un pic facile, l’aller-retour au sommet impliquerait sept heures de marche depuis le nouveau parking. C’est-à-dire le même temps que depuis Mariailles ou Batère, les deux autres points de départ.

 

Refuge de Mariailles

Refuge de Mariailles

 

Refuge de Batère sur le GR10

Refuge de Batère sur le GR10

 

Canigó redeviendra un défi, non seulement une montagne sacrée, mais une sacrée montagne.

 

Table d'orientation à 2784m

Table d’orientation à 2784m

 

Et quid le projet ?

Aujourd’hui, la plupart des randonneurs montent en voiture au parking juste en-dessous du refuge des Cortalets pour gravir le pic le même jour. Le temps de marche est estimé à 3-4 heures. En conséquence, le Canigó attire 25.000 visiteurs par an (200 par jour dans la courte saison estivale), une expérience semblable à un bain de foule sur la Rambla barcelonaise.

Mais ce n’est pas que ça. Ce n’est même pas principalement un projet de gestion du flux au sommet. Plus important c’est que la route tortueuse de 16km qui monte au refuge des Cortalets se dégrade depuis des années. Une remise en état coûterait au moins 1m€, le maintien 0,1m€ par an, frais qui grèveraient le budget du Grand Site. Pourquoi pas couper la route tout en bas, ou bien faire un parking à mi-chemin, ce qui obligerait aux visiteurs de faire une marche d’approche de deux heures supplémentaires avant même d’arriver aux Cortalets ? Voici deux des options sur la table.

 

Refuge des Cortalets sur le GR10

Refuge des Cortalets sur le GR10

 

Le nouveau parking serait à 1500m au-dessus de la mer. Le dénivelé supplémentaire impliquerait pour la majorité des marcheurs une étape au refuge situé à 2150m avant d’attaquer le sommet à 2784m. Si le problème potentiel de camping sauvage peut être réglé, Canigó pourra redevenir une montagne mythique.

A suivre.

A voir aussi : l’Indépendant de Perpignan

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