La randonnée à raquettes en toute sécurité (1) : quelques histoires salutaires

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Rando-raquettes près du Chioula (Aude)

Rando-raquettes près du Chioula (Aude)

La dernière fois que j’ai organisé une randonnée à raquettes dans les Pyrénées, c’était un désastre. On est arrivé à la cabane où on allait passer la nuit avec plus que trois heures de retard, dans la nuit noire.

Je croyais avoir pas mal d’expérience. J’ai fait deux stages de rando-raquettes auprès de la FFME et la FFRP. J’ai gravi l’Aneto (3404m) et plusieurs autres cimes pyrénéennes, quelques-unes à travers glaciers, crampons aux pieds. Bien sûr, il y a une différence entre crampons et raquettes, mais la montagne enneigée, c’est toujours une montagne enneigée… J’ai aussi fait la Traversé les Pyrénées, par le GR10, par le GR11 et par la HRP. Sur le GR11 en 2013 l’hiver trainait ; j’ai passé dix jours, seul la plupart du temps, à batifoler dans la neige. Et des rando-raquettes, j’en ai fait.

 

GR11 espagnol au dessus des Ibones Altos de Brazato, en 2013

GR11 espagnol au-dessus des Ibones Altos de Brazato, en 2013

 

Mais je ne suis pas à l’abri d’une erreur grossière.

Première leçon : on ne peut jamais planifier assez

Je pensais être expert, mais cette sortie m’a appris une leçon. La montagne sait donner la réplique. J’avais bien étudié l’angle de la pente, ce n’était pas ça le problème.

Ce que je n’avais pas étudié, c’était la neige ! N’étant pas Esquimau, j’avais oublié que la neige prend plus de formes que je ne puisse nommer. Dans ce cas-là, elle était vierge, molle et profonde. Impossible d’en faire des boules de neige, tant qu’elle était molle. Impossible de rester sur la surface, nos pieds s’enfonçaient quasiment aux genoux. Même là où le sentier était plat, à chaque pas il fallait soulever les jambes comme si l’on montait un escalier, des raquettes de tennis aux pieds. Je l’avais fait auparavant, mais j’avais oublié combien il est difficile.

On se relayait. Dans de telles circonstances, la première personne a la tâche la plus difficile, frayant un chemin au frais de gros efforts. La suivante marche en quinconce, ses pieds compactant un peu plus de neige. La troisième et la quatrième finissent le travail, ainsi créant une trace qui est désormais facile à suivre.

Au début le tour du chef de file s’étalait sur dix bonnes minutes. A la fin on comptait les pas : personne ne pouvait en faire plus que cinquante avant de s’éclipser, se faisant relayer par la prochaine.

J’avais bien suivi la météo et téléphoné à la mairie. Aussi je n’avais aucune excuse, je savais qu’il était tombé de la neige fraiche. Mais les conséquences m’ont échappé. Néanmoins, en ce qui concerne le matériel on était bien équipé, avec des GPS et des lampes frontales. Et la météo s’améliorait progressivement.

 

Retour de la Bergerie du Madres (Aude). La trace désormais bien faite.

Retour de la Bergerie du Madres (Aude). La trace désormais bien faite.

 

Deuxième leçon : météo mauvaise

Et si, par contre, la météo s’empire ?

St Sylvestre 2000. Si la tempête avait été à l’heure, tout le monde aurait été heureux. Mais la tempête est arrivée avant l’heure, et sept des huit randonneurs ne sont jamais arrivés. Quand ils sont partis, le ciel était bleu. Ils allaient se balader sur une montagne à vache, comme on dit dans les Pyrénées pour une montagne facile, juste à l’est de la station de ski de Núria en Catalogne. Vers 14h15 une d’entre eux a appelé à son fils pour lui dire qu’ils s’apprêtaient à descendre. La journée avait été magnifique. Ils avaient réservé une table dans un restaurant à Camprodón pour 15h00.

 

Coma de Vaca

Coma de Vaca en été

 

Les images retrouvées dans leurs appareils photos plus tard ont montré les collines baignées de soleil. Mais leurs corps semblaient être gelés en mouvement, nageant dans la neige. Ils avaient été happés par un torb, un phénomène de vent dépassant les 150km/hr accompagné d’une chute brutale de température de 20°C. Un torb peut arracher la neige d’un versant et le déposer directement sur un autre. Un blizzard.

Mais la chose qui m’effraie le plus dans cette histoire est qu’ils étaient des montagnards expérimentés – Aconcagua, 6962m, Mont Blanc 4810m… Ils étaient parfaitement équipés. Et ils connaissaient la zone à fond : c’était leur terrain de jeu.

Malgré tout, ils n’ont pas survécu. Source

Troisième leçon : compétences des participants

Une personne inexpérimentée peut mettre tout le groupe en danger.

Il faut encore remonter le temps au début des années 2000. Elle, c’était la belle-sœur d’un ami qui s’est déjà inscrit pour la rando.

« Est-ce qu’elle peut venir ? » m-a-t-il demandé.

« Est-ce qu’elle est assez forte ? Est-ce qu’elle a déjà fait de la rando-raquettes ? »

« Oui, pas de problème. »

A un moment donné il fallait traverser une montagne à flanc. Il n’y avait pas de trace à suivre, et la neige était gelée. La pente faisait environ 25°. Aussi, on marchait en canard, avec une raquette dans la direction de la marche et l’autre vers le haut. Trébucher aurait été facile.

Pour les autres, c’étaient plutôt anxiogène, mais notre invitée était pétrifiée et vite épuisée. A ce moment-là, j’ai découvert qu’elle n’avait jamais chaussé une raquette auparavant, et en plus elle n’avait rien mangé au petit-déjeuner. Il fallait couper une trace avec un piolet dans la neige gelée. Il fallait deux fois le temps prévu pour arriver à notre destination. On allait construire des igloos, mais on n’avait pas le temps. On était obligé de se rebattre sur une cabane. Cela aurait pu être pire.

Je l’admets, c’était ma faute. J’étais la personne inexpérimentée. Depuis, j’exige que toute nouvelle personne doive avoir marché avec moi avant de l’emmener sur un truc difficile.

Plus sur la randonnée en raquettes dans les Pyrénées.

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