Le retour de l’ours, épisode 3. Sortie prévue à l’automne

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Ours slovène © Djo Djkkos

 

Nicolas Hulot, Ministre de la Transition écologique et solidaire, l’a annoncé le 26 mars 2018 : « Je souhaite engager la réintroduction de deux ours femelles dans les Pyrénées-Atlantiques à l’automne. Je vais demander au préfet d’organiser un dialogue pour réussir cette réintroduction. »

Déjà, le 6 mars, Le Tribunal Administratif de Toulouse avait condamné l’État pour carence dans son « obligation de rétablir la population d’ours bruns dans un état de conservation favorable ». Un sondage a montré qu’une franche majorité des Français sont favorables aux ours. En plus Emmanuel Macron, alors candidat à l’Elysée, avait promis : « Il y aurait enfin une réintroduction harmonieuse et discutée de l’ours des Pyrénées ».

Vœu pieux. Quoique l’ours brun fasse partie de l’identité pyrénéenne, et qu’il ait toujours été présent, la souche purement pyrénéenne s’est éteinte avec les premières réintroductions en 1996/7. Les nouvelles ourses slovènes seront fortement contestées.

Aujourd’hui on estime à quarante-trois les plantigrades qui foulent le sol des montagnes. Cela représente une forte augmentation depuis le début des années 1990 quand il n’en restait que cinq. Mais la consanguinité est devenue un problème, les trois-quarts ayant pour père ou grand-père, Pyros, le mâle dominant. En plus, deux célibataires sont isolés dans les Pyrénées-Atlantiques, éloignés de plus de 120km du noyau des Pyrénées centrales. C’est ici où les deux nouvelles ourses vont s’installer.

 

 

Le problème est que l’ours attaque les brebis, entre autres. Et les bergers indignés ne sont pas prêts à baisser les bras. L’été 2017 voyait la mort de plus de 400 brebis, selon des chiffres officiels, mais contestés des deux côtés. Plus? Moins? En aout lorsque des agents de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage sont venus constater des dégâts ils auraient subi des menaces de mort. Une plainte a été déposée. Puis le 14 septembre 2017 plusieurs médias ont reçu une vidéo anonyme où un groupe d’hommes masqués tirent en l’air et déclarent l’ouverture de la chasse à l’ours. L’harmonie n’est pas à l’ordre du jour.

Et les bergers savent se faire remarquer. Une manifestation avant la deuxième vague de réintroductions, en 2006, a laissé la mairie d’Arbas maculée de sang. Le premier ours a été mal accueilli, au son de cloches dans les mains des bergers et des éleveurs surgissant des bois. Il a fallu changer l’endroit du lâcher au dernier moment. Quelques jours plus tard, au-dessus de Bagnères de Luchon des manifestants autour d’une barricade m’ont dit : « Nous savons que nous ne pouvons pas les arrêter cette fois. Mais si nous faisons assez de bruit ils réfléchiront deux fois avant de recommencer. » Ils avaient raison. Les quatre autres ours ont été lâchés en catimini et on n’en a plus rien entendu. Même un projet de remplacer l’ourse Franska, tuée lors d’un accident de circulation en 2007, n’a abouti à rien.

Le courroux des bergers était rallumé l’été dernier par la mort de 209 brebis dans un dérochement dans le Couserans (Ariège). Cela peut sembler insignifiant en comparaison avec les 20 000 qui meurent chaque année de maladie, accidents ou à la suite des attaques de chiens divagants, mais cette zone est le Triangle des Bermudes des Pyrénées. A peine 40km d’est en ouest, elle souffre d’une façon disproportionnée des attaques.

Dans l’Ariège, les bergers et éleveurs anti-ours se retrouvent au sein de l’Association pour la sauvegarde du patrimoine de l’Ariège-Pyrénées (ASPAP). Au premier abord cela semble un bien curieux nom pour un groupe anti-ours mais c’est vrai que les troupeaux qui se faufilent à travers les ruelles étroites des hameaux pyrénéens sont un patrimoine vivant de premier ordre. Tout comme les estives, les pâtures de haute montagne qui vont les accueillir à la fin de leur transhumance de plusieurs jours. Maintenant certains bergers craignent être obligés de quitter les montagnes. Ils ne partiront pas sans se battre.

Entretemps, les organisations favorables au maintien du plantigrade dans les Pyrénées essaient de faire pencher la balance de leur côté. En mars un sondage IPSOS, commandité par quatorze d’entre eux, a montré que 84% d’adultes français étaient favorables aux ours dans les Pyrénées. En Béarn (Pyrénées-Atlantiques), quoique déjà visé par les prochains lâchers, le pourcentage arrivait néanmoins à 71% en faveur. Par contre, quand la même question a été posée en 2008 dans les montagnes ariégeoises, là où se trouve le Couserans, il n’y a eu que 38% d’avis favorables. Cette fois, les personnes actuellement les plus touchées par la présence de l’ours n’étaient même pas consultées.

Les sondages donnent l’impression que plus loin que l’on est de la réalité plus on est pour l’ours. Il y a une part de vérité dans cela. Mais dans le climat qui règne ce n’est pas surprenant si les éleveurs qui voient l’ours d’un autre œil ne se montrent pas trop. Par contre, une qui s’affiche est Catherine Brunet, maintenant à la retraite. Elle est convaincue que les mesures de protection financés par l’État fonctionnent. Son troupeau était toujours accompagné d’un berger et des patous, ces gros chiens dont le boulot est de décourager les attaques. Ses brebis étaient maintenues dans un troupeau groupé aux lieu d’être lâchés plus largement, et enfermées dans un enclos la nuit venue.

 

Brebis de Catherine Brunet et son marie à Centraus, Ariège

Brebis de Catherine Brunet et son mari à Centraus, Ariège

 

Vingt ans se sont écoulés depuis l’introduction de ces mesures préventives, mais certains bergers refusent toujours de les mettre en place. Pour eux ce serait l’acceptation de l’ours. Ils ne sont pas convaincus par les indemnisations et les aides pour l’aménagement des cabanes. Ils disent que le temps utilisé pour ramener le troupeau à l’enclos serait une perte de temps à brouter. Ils affirment que les chiffres de prédation officiels sont trop bas : les pertes dues aux avortements spontanés et les brebis qui s’éparpillent et ne sont jamais retrouvées ne sont pas indemnisées. Ils se plaignent d’être ceux qui paient pour la conservation d’un animal qui – globalement – n’est pas menacé.

Gisèle Gouazé, présidente du Groupement Pastoral de Mont Rouch qui a perdu les 209 brebis, me dit que la situation est grave. Ils réfléchissent maintenant à la mise en place des mesures de protection. Sans enthousiasme.  « Il faut savoir quand même qu’il y a des générations et des générations d’êtres humains qui ont ouvert cette montagne, qui ont entretenu cette montagne. Mais où on va ? »

J’ai appelé Philippe Lacube, porte-parole de l’ASPAP pour une réaction aux réintroductions promises : “C’est étonnant car on annonçait une délégation de concertation et au lieu de nous envoyer deux agents on nous envoie deux ours »

 

Alain Reynes avec la photo d'un ours qu'il a prise en Slovénie

Alain Reynes avec la photo d’un ours qu’il a prise en Slovénie

 

Pour Alain Reynes, directeur du Pays de l’ours « C’est une bonne nouvelle, mais la vraie bonne nouvelle sera quand elles arrivent. Il nous faut travailler encore pour la concrétiser. »

Le premier test pour Nicolas Hulot sera le 30 avril prochain : une manifestation à Pau, organisé par les bergers béarnais.

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