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Tour du Valier : entre deux pays

vendredi, août 16th, 2024

Le Tour du Valier est une randonnée de six jours dans les hautes Pyrénées, avec cinq nuits en refuge. Automatiquement, tu as moins de poids dans le sac à dos.

Le terrain varie de bucolique à rude, de presque plat à escarpé ; il y a de courtes sections sécurisées par des câbles. Sous les pieds, le terrain varie de la boue à l’herbe, en passant par la roche dure et impitoyable. Un champ d’éboulis déstabilisant se trouve au nord du col de la Pala de Clavera, à la frontière entre la Catalogne et la France, et il faut y prêter attention.

Seix

Seix vu depuis la petite colline au nord (accès par le château)

Avant de commencer, j’ai passé la nuit au petit boueg de Seix. Le château vaut la peine d’être visité, ne serait-ce que pour voir l’exposition sur le bouquetin. Une autre possibilité, si tu as du temps à perdre, est le fascinant Musée des colporteurs à Soueix.

Ibex in a museu,

L’un des bouquetins de l’exposition

Le dernier membre de la sous-espèce pyrénéenne est mort en 2000, mais il y a de nouvelles arrivées en provenance d’Espagne depuis 2014. Ces cousins ibériques se portent bien, avec environ 650 dans les montagnes aujourd’hui.

Rivière Salat avec le Port de Salau en arrière-plan

J’ai laissé ma voiture sur le parking au-dessus de Salau (voir Navigation, ci-dessous) et j’ai suivi la rivière Salat jusqu’à sa source. Salat signifie salé : les montagnes ici sont pleines de minéraux. La frontière avec la Catalogne se profile à l’horizon. C’est une montée longue mais facile avec 1100 m de dénivelé.

Il y a des ours ici. Bien qu’on les voie rarement, ils s’attaquent au bétail, aux brebis en particulier. L’estive de Pouilh en tête de vallée a vu deux brebis attaquées quelques jours après mon passage. Il me semble que les brebis sont peu à peu remplacées par des vaches et des chevaux, moins sensibles aux attaques.

En revanche, les chances de rencontrer un ours sont très faibles. Cela fait 25 ans que je marche dans les Pyrénées et je n’en ai encore jamais vu.

Le Port de Salau

Le Port (col) de Salau était un lien essentiel entre l’Ariège  et Pallars Sobira, en Catalogne. Il n’est qu’à 2087 m d’altitude et était fréquenté par les voyageurs et les marchands. Parmi eux, les colporteurs qui parcouraient de longues distances à pied pour vendre une grande variété de marchandises qu’ils portaient sur leur dos.

Au XIXe siècle, la forêt de Bonabé sur le versant catalan a été abattue et le bois exporté vers la France par un téléphérique. Les ruines du col datent de cette époque.

Chemin de descente du Port de Salau au refuge du Fornet

Refuge de Fornet

Le refuge de Fornet est accessible par la route, ce qui en fait un autre point de départ possible pour le Tour du Valier. En face de lui se trouve un panneau d’affichage qui explique la réintroduction de l’ours dans les Pyrénées.

Path in mountains

Sentier de la vallée de Bonabé au refuge d’Estagnous

Comme ailleurs, le chemin est signalé par les balises rouges et blanches de la Grande Randonnée Transfrontalière. Ici, les balises sont accompagnées de rubans jaunes, symbole du mouvement indépendantiste catalan.

cows by a lake

Des vaches paissent joyeusement à l’Estanyet de Clavera, à 2230 m d’altitude

 

Coll de la Pala de Clavera

La vue sur l’autre côté du Coll de la Pala de Clavera est intimidante. La descente est longue. Le sentier passe d’un côté du lac Long, puis descend jusqu’au lac Rond avant de remonter jusqu’au prochain refuge. Il y a beaucoup d’éboulis qu’il faut négocier avec précaution. Les plaques de neige ont été un véritable soulagement !

Hostel on hillside

Le refuge Estagnous, au-dessus du lac Rond

Après avoir mangé…

Après le dîner, les nuages sont descendus mais il faisait encore assez chaud pour s’asseoir dehors. Un soulagement bienvenu après la chaleur écrasante de la journée.

landscape

Lauzets

Après avoir passé la nuit au refuge d’Estagnous, j’ai grimpé jusqu’à la crête derrière le bâtiment. Au-delà de la crête se trouve une zone connue sous le nom de Lauzets, l’occitan désignant les petites dalles. La pente est couverte de pierres, mais la marche est facile.

landscape

Plus loin, les lauzets sont entrecoupés de parcelles d’herbe. La descente vers le lac de Milouga est raide mais pourvue de marches métalliques sur les tronçons les plus difficiles.

Chemin de la Liberté

Ce chemin fait partie du « Chemin de la Liberté », l’un des itinéraires utilisés par les réfugiés et les aviateurs pour fuir la France occupée pendant la Seconde Guerre mondiale (dans l’autre sens, évidemment). Il y a des cabanes de berger par intervalles mais peu de signes de vie à part le bétail.

Le sentier monte jusqu’au col sur la gauche

Il y a des cabanes de bergers à intervalles réguliers, mais peu de signes de vie en dehors du bétail. Je n’ai rencontré personne avant d’arriver à la cabane de l’Échelle (photo).

En bas, les nuages étaient un soulagement bienvenu par rapport au soleil implacable.

Walker's hostel on GR10

Esbintz

C’était génial de voir le refuge d’Esbintz. Adeline, qui le dirige, est également maraîchère et son compagnon Mathias est éleveur de brebis. Les aliments proviennent donc en grande partie de la ferme elle-même. Les recettes, en revanche, peuvent venir de n’importe où. Délicieux.

Dans la forêt

Le lendemain, le chemin suit le Tour du Biros. Une partie se trouve sur une pente exposée. Le chemin n’est pas trop large. Puis il s’enfonce à nouveau dans la forêt avant de descendre vers Saint-Lizier-d’Ustou et le refuge de la Colline verte. La pluie a commencé en milieu d’après-midi et s’est rapidement transformée en orage. (D’ailleurs, c’est un phénomène météorologique courant en été. Essaie d’arriver au refuge avant 16h00).

 

Le lendemain, le temps était couvert et humide au début, mais pas pluvieux. L’auberge de Rouze est un autre excellent séjour à la ferme.

goats in a shed

Chèvres à Rouze, après la traite

 

Chemin descendant vers Couflens.

 

Couflens

Navigation

Tu peux commencer où tu veux, mais le point de départ classique en France est le parking du Col de Pause, à l’ouest de Couflens sur le GR10. Malheureusement, il y a maintenant une barrière à 5 km, j’ai donc décidé de commencer mon itinéraire depuis le parking au-dessus de Salau. De là, l’itinéraire passe par le port de Salau et descend jusqu’au Fornet. Le lendemain, tu iras à Estagnous, avec la possibilité de monter au sommet du Mont Valier (2828m). Les nuits suivantes, tu dormiras à Esbintz, à la Colline verte et à Rouze. De Rouze à Couflens, la marche est facile. Je suis remonté en stop jusqu’au parking sans difficulté.

Tu trouveras sur Wikiloc une trace GPS du Tour du Valier. Il y a aussi une série de traces GPS du Tour du Valier pour chaque jour, avec plus de photos.

Canigó : nouveau mode d’emploi (à pied)

samedi, novembre 18th, 2017
Canigó : on se bouscule au sommet

Canigó : on se bouscule au sommet

 

Le syndicat mixte Canigó Grand Site réfléchit sur l’accès à la montagne fétiche des Catalans. Cela va compliquer l’approche à la montagne (voir ci-dessous) mais c’est aussi une page qui se tourne dans le grand livre du Canigó.

Initialement considéré reculé, sauvage, même dangereux, le Canigó est depuis longtemps devenu un symbole catalan, leur montagne sacrée. Il a été exploité pour ses ressources en minerai et en bois, et a failli subir les pires excès du tourisme de masse. Mais maintenant on lui propose une vie plus calme.

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L’ASPAP ne demande plus le retrait pur et simple de l’ours

jeudi, septembre 14th, 2017
Ours brun

Ours brun (photo: © Francis C. Franklin, Wikipedia)

 

Jusqu’alors l’association*, créée en janvier 2006 face à la deuxième vague de réintroductions d’ours slovènes, n’a pas bronché. Mais aujourd’hui, malgré la perte de 209 brebis  dans la haute Ariège, et une levée de boucliers des élus locaux l’ASPAP a changé d’avis.

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Les Pyrénées du 21eme siècle (ii) : chemins de traverse

mardi, février 23rd, 2016
Romedo de Dalt sur le chemin des Montagnes de Liberté

Romedo de Dalt sur le nouveau chemin des Montagnes de Liberté

 

Vues de loin, les Pyrénées sortent du temps, un archétype de chaine de montagnes. Mais je me rends compte combien mon monologue intérieur est bourré de clichés romantiques. C’est pourquoi je veux écrire sur l’actualité du 21eme siècle. Voici le deuxième volet.

Mis à part l’arrivée de la LGV (2013) et de la THT (ligne de haute tension – 2015), heureusement souterraines toutes les deux, quelles sont les autres nouvelles ?

Le Chemin de Saint Jacques de Compostelle

Église à Roncevaux

Église à Roncevaux

Il n’est plus simplement une longe randonnée ; depuis l’an 2000 le Chemin est devenu un phénomène de société. Le nombre de randonneurs traversant les Pyrénées a plus que quintuplé. Cette étape, entre St-Jean-Pied-de-Port et Roncevaux, est réputée être l’une des plus dures de ce GR. Malgré cela, déjà en 1999 9.318 randonneurs passaient par l’office français du Chemin pour faire composter leur credencial avant d’entamer la montée. Quinze ans plus tard ils étaient 53.972. [statistiques] Si ce chiffre ne vous surprend pas, considérez ceci : en 1978 seulement 13 pèlerins [statistiques] sont arrivés à la cathédrale de Santiago. A St-Jean-Pied-de-Port on ne comptait même pas.

Pourquoi cette augmentation, j’ai demandé au responsable du bureau ? Ce n’est pas un regain de la foi, me dit-il. Elle s’explique partiellement par l’inscription du Chemin sur la liste du Patrimoine Mondiale (1993), mais aussi par la RTT (2000) et puis par un effet de boule de neige : plus de randonneurs égalent plus de refuges, égalent journées plus courtes, et encore plus de randonneurs.

La Retirada

En mémoire des centaines de milliers de Républicains espagnoles qui préféraient vivre en exile à se soumettre au fascisme. Plaque installé au Vajol par la Fondation Negrín, 1 février 2010

En mémoire des centaines de milliers de Républicains espagnoles qui préféraient vivre en exile plutôt que se soumettre au fascisme. Plaque installé au Vajol par la Fondation Negrín, 1 février 2010

La retraite, 1939. Pendant soixante ans on parlait très peu de ce désastre humain, mais depuis vingt ans il est entré dans le canon sacré d’histoires qui définit la montagne, surtout pour les catalans.

Un demi-million de réfugiés traversaient les Pyrénées. Mais pourquoi l’évènement a-t-il été caché ? Parce que Franco, au pouvoir jusqu’en 1975, évitait d’attirer l’attention. Puis, sous les gouvernements de transition successifs, le « Pacte de l’oubli » censé éviter des récriminations, l’a enterrée. Ainsi, seulement quand les participants commençaient à mourir, est-il que leurs petits-enfants commençaient à déterrer ces mémoires longtemps refoulées.

Musée d’Exile à la Jonquera (Catalogne)

Musée d’Exil à la Jonquera (Catalogne)

De nombreuses plaques en souvenir de la Retirada ornent les villages frontaliers. Des chemins de grandes randonnée transfrontalier retracent le parcours des réfugiés. A la Jonquera, le Musée de l’Exil ouvere ses portes en 2007.

En France, les gouvernements français successifs n’ont pas été trop fiers non plus de ce qui s’est passé en 1939 : les réfugiés étaient parqués à Argelès-sur-Mer à même la plage, obligés à creuser dans le sable pour faire des abris de fortune – au mois de février. Ceux qui étaient toujours dans le coin fin 1940 furent envoyés au camp de Rivesaltes. Plus tard ce camp est devenu « le Drancy du la zone libre » pour les juifs cueillis dans les rafles.

Le Mémorial du Camp de Rivesaltes (au nord de Perpignan) a été ouvert par Manuel Valls en octobre 2015.

 

Le musée propose d’écouter enregistrements de témoins oculaires de la Retirada sur fond de photos des événements, diaporama projeté sur les murs.

Le Mémorial propose d’écouter des enregistrements de témoins de la Retirada sur fond de photos des événements, diaporama projeté sur les murs.

Maquis

En mémoire de Quique et Celes, tombés pour la liberté. La plaque a été rajoutée pour le 50eme anniversaire de leur mort, dans une embuscade près de la frontière, près d’Espolla (Catalogne).

En mémoire de Quique et Celes, tombés pour la liberté. La plaque a été rajoutée pour le 50eme anniversaire de leur mort, dans une embuscade près de la frontière, près d’Espolla (Catalogne).

Ces vingt dernières années les maquisards espagnols ont été réhabilités. La Loi sur la Mémoire Historique, adoptée en 2007, érigeait un cadre administratif pour un processus déjà en développement. Dénigrés comme des voleurs de droit commun ou des bandits par la gendarmerie outre-Pyrénées, et peu connus hors d’Espagne, ils continuaient à harceler le régime franquiste bien après la fin de la guerre civile ; le dernier fut tué à Barcelone en 1965. Ils se planquaient souvent en France, traversant la frontière par la montagne.

Continua Pirineum

Le Continua Pirineum est un projet bien du 21eme siècle. Subventionné par l’Europe, il ambitionne recoudre les relations entre les communautés françaises et espagnoles, rappelant un temps quand les Pyrénées étaient moins une barrière qu’un terrain d’entente – et parfois de mésentente – entre voisins. Un exemplaire, entre tant :

Habillées en noir, arrivant en masse comme les hirondelles, ces jeunes espagnoles traversaient la crête frontalière pour aller travailler dans la manufacture d’espadrilles (entre autres). Mais contrairement aux oiseaux elles allaient au nord en automne pour revenir au printemps. A voir aussi Gérard Caubert : Etonnantes Pyrénées.

 

Hirondelles, golondrinas : le surnom donné aux jeunes espagnoles qui venaient travailler en France

Hirondelles, golondrinas : le surnom donné aux jeunes espagnoles qui venaient travailler en France

 

Parmi les projets du Continua Pirineum on trouve la réouverture de ces chemins transfrontaliers. La création de sentiers faits entre voisins sans planification est devenue un dossier sur la table d’un bureaucrate bruxellois.

Jean Ferrat aurait pu dédier ‘La Montagne’ aux hirondelles.

 

 

Ils quittent un à un le pays
Pour s’en aller gagner leur vie
Loin de la terre où ils sont nés…

Pourtant que la montagne est belle
Comment peut-on s’imaginer
En voyant un vol d’hirondelles
Que l’automne vient d’arriver ?

 

 

Les Montagnes de Liberté – quatre jours de randonnée dans les Pyrénées entre l’Ariège et la Catalogne

dimanche, août 23rd, 2015
Cascade-d'Ars près d'Aulus-les-Bains

Cascade-d’Ars près d’Aulus-les-Bains

 

Site officiel du circuit : « Les Montagnes de Liberté »

Cette boucle pyrénéenne recèle de la haute montagne minérale, des lacs parfaits et des paysages bucoliques, mais aussi une histoire tragique, celle des conflits du 20eme siècle et de ses réfugiés. Tout comme ceux qui traversent la Méditerranée de nos jours, beaucoup n’arrivèrent pas au bon port. Aujourd’hui on emprunte ces sentiers pour le plaisir, avec un certain pincement au cœur devant les panneaux explicatifs.

Nous l’avons fait en quatre étapes.

(suite…)

map of GR10

 
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