Romedo de Dalt sur le nouveau chemin des Montagnes de Liberté
Vues de loin, les Pyrénées sortent du temps, un archétype de chaine de montagnes. Mais je me rends compte combien mon monologue intérieur est bourré de clichés romantiques. C’est pourquoi je veux écrire sur l’actualité du 21eme siècle. Voici le deuxième volet.
Mis à part l’arrivée de la LGV (2013) et de la THT (ligne de haute tension – 2015), heureusement souterraines toutes les deux, quelles sont les autres nouvelles ?
Le Chemin de Saint Jacques de Compostelle
Église à Roncevaux
Il n’est plus simplement une longe randonnée ; depuis l’an 2000 le Chemin est devenu un phénomène de société. Le nombre de randonneurs traversant les Pyrénées a plus que quintuplé. Cette étape, entre St-Jean-Pied-de-Port et Roncevaux, est réputée être l’une des plus dures de ce GR. Malgré cela, déjà en 1999 9.318 randonneurs passaient par l’office français du Chemin pour faire composter leur credencial avant d’entamer la montée. Quinze ans plus tard ils étaient 53.972. [statistiques] Si ce chiffre ne vous surprend pas, considérez ceci : en 1978 seulement 13 pèlerins [statistiques] sont arrivés à la cathédrale de Santiago. A St-Jean-Pied-de-Port on ne comptait même pas.
Pourquoi cette augmentation, j’ai demandé au responsable du bureau ? Ce n’est pas un regain de la foi, me dit-il. Elle s’explique partiellement par l’inscription du Chemin sur la liste du Patrimoine Mondiale (1993), mais aussi par la RTT (2000) et puis par un effet de boule de neige : plus de randonneurs égalent plus de refuges, égalent journées plus courtes, et encore plus de randonneurs.
La Retirada
En mémoire des centaines de milliers de Républicains espagnoles qui préféraient vivre en exile plutôt que se soumettre au fascisme. Plaque installé au Vajol par la Fondation Negrín, 1 février 2010
La retraite, 1939. Pendant soixante ans on parlait très peu de ce désastre humain, mais depuis vingt ans il est entré dans le canon sacré d’histoires qui définit la montagne, surtout pour les catalans.
Un demi-million de réfugiés traversaient les Pyrénées. Mais pourquoi l’évènement a-t-il été caché ? Parce que Franco, au pouvoir jusqu’en 1975, évitait d’attirer l’attention. Puis, sous les gouvernements de transition successifs, le « Pacte de l’oubli » censé éviter des récriminations, l’a enterrée. Ainsi, seulement quand les participants commençaient à mourir, est-il que leurs petits-enfants commençaient à déterrer ces mémoires longtemps refoulées.
Musée d’Exil à la Jonquera (Catalogne)
De nombreuses plaques en souvenir de la Retirada ornent les villages frontaliers. Des chemins de grandes randonnée transfrontalier retracent le parcours des réfugiés. A la Jonquera, le Musée de l’Exil ouvere ses portes en 2007.
En France, les gouvernements français successifs n’ont pas été trop fiers non plus de ce qui s’est passé en 1939 : les réfugiés étaient parqués à Argelès-sur-Mer à même la plage, obligés à creuser dans le sable pour faire des abris de fortune – au mois de février. Ceux qui étaient toujours dans le coin fin 1940 furent envoyés au camp de Rivesaltes. Plus tard ce camp est devenu « le Drancy du la zone libre » pour les juifs cueillis dans les rafles.
Le Mémorial du Camp de Rivesaltes (au nord de Perpignan) a été ouvert par Manuel Valls en octobre 2015.
Le Mémorial propose d’écouter des enregistrements de témoins de la Retirada sur fond de photos des événements, diaporama projeté sur les murs.
Maquis
En mémoire de Quique et Celes, tombés pour la liberté. La plaque a été rajoutée pour le 50eme anniversaire de leur mort, dans une embuscade près de la frontière, près d’Espolla (Catalogne).
Ces vingt dernières années les maquisards espagnols ont été réhabilités. La Loi sur la Mémoire Historique, adoptée en 2007, érigeait un cadre administratif pour un processus déjà en développement. Dénigrés comme des voleurs de droit commun ou des bandits par la gendarmerie outre-Pyrénées, et peu connus hors d’Espagne, ils continuaient à harceler le régime franquiste bien après la fin de la guerre civile ; le dernier fut tué à Barcelone en 1965. Ils se planquaient souvent en France, traversant la frontière par la montagne.
Continua Pirineum
Le Continua Pirineum est un projet bien du 21eme siècle. Subventionné par l’Europe, il ambitionne recoudre les relations entre les communautés françaises et espagnoles, rappelant un temps quand les Pyrénées étaient moins une barrière qu’un terrain d’entente – et parfois de mésentente – entre voisins. Un exemplaire, entre tant :
Habillées en noir, arrivant en masse comme les hirondelles, ces jeunes espagnoles traversaient la crête frontalière pour aller travailler dans la manufacture d’espadrilles (entre autres). Mais contrairement aux oiseaux elles allaient au nord en automne pour revenir au printemps. A voir aussi Gérard Caubert : Etonnantes Pyrénées.
Hirondelles, golondrinas : le surnom donné aux jeunes espagnoles qui venaient travailler en France
Parmi les projets du Continua Pirineum on trouve la réouverture de ces chemins transfrontaliers. La création de sentiers faits entre voisins sans planification est devenue un dossier sur la table d’un bureaucrate bruxellois.
Jean Ferrat aurait pu dédier ‘La Montagne’ aux hirondelles.
Ils quittent un à un le pays
Pour s’en aller gagner leur vie
Loin de la terre où ils sont nés…
Pourtant que la montagne est belle
Comment peut-on s’imaginer
En voyant un vol d’hirondelles
Que l’automne vient d’arriver ?