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Les Pyrénées du 21eme siècle (ii) : chemins de traverse

mardi, février 23rd, 2016
Romedo de Dalt sur le chemin des Montagnes de Liberté

Romedo de Dalt sur le nouveau chemin des Montagnes de Liberté

 

Vues de loin, les Pyrénées sortent du temps, un archétype de chaine de montagnes. Mais je me rends compte combien mon monologue intérieur est bourré de clichés romantiques. C’est pourquoi je veux écrire sur l’actualité du 21eme siècle. Voici le deuxième volet.

Mis à part l’arrivée de la LGV (2013) et de la THT (ligne de haute tension – 2015), heureusement souterraines toutes les deux, quelles sont les autres nouvelles ?

Le Chemin de Saint Jacques de Compostelle

Église à Roncevaux

Église à Roncevaux

Il n’est plus simplement une longe randonnée ; depuis l’an 2000 le Chemin est devenu un phénomène de société. Le nombre de randonneurs traversant les Pyrénées a plus que quintuplé. Cette étape, entre St-Jean-Pied-de-Port et Roncevaux, est réputée être l’une des plus dures de ce GR. Malgré cela, déjà en 1999 9.318 randonneurs passaient par l’office français du Chemin pour faire composter leur credencial avant d’entamer la montée. Quinze ans plus tard ils étaient 53.972. [statistiques] Si ce chiffre ne vous surprend pas, considérez ceci : en 1978 seulement 13 pèlerins [statistiques] sont arrivés à la cathédrale de Santiago. A St-Jean-Pied-de-Port on ne comptait même pas.

Pourquoi cette augmentation, j’ai demandé au responsable du bureau ? Ce n’est pas un regain de la foi, me dit-il. Elle s’explique partiellement par l’inscription du Chemin sur la liste du Patrimoine Mondiale (1993), mais aussi par la RTT (2000) et puis par un effet de boule de neige : plus de randonneurs égalent plus de refuges, égalent journées plus courtes, et encore plus de randonneurs.

La Retirada

En mémoire des centaines de milliers de Républicains espagnoles qui préféraient vivre en exile à se soumettre au fascisme. Plaque installé au Vajol par la Fondation Negrín, 1 février 2010

En mémoire des centaines de milliers de Républicains espagnoles qui préféraient vivre en exile plutôt que se soumettre au fascisme. Plaque installé au Vajol par la Fondation Negrín, 1 février 2010

La retraite, 1939. Pendant soixante ans on parlait très peu de ce désastre humain, mais depuis vingt ans il est entré dans le canon sacré d’histoires qui définit la montagne, surtout pour les catalans.

Un demi-million de réfugiés traversaient les Pyrénées. Mais pourquoi l’évènement a-t-il été caché ? Parce que Franco, au pouvoir jusqu’en 1975, évitait d’attirer l’attention. Puis, sous les gouvernements de transition successifs, le « Pacte de l’oubli » censé éviter des récriminations, l’a enterrée. Ainsi, seulement quand les participants commençaient à mourir, est-il que leurs petits-enfants commençaient à déterrer ces mémoires longtemps refoulées.

Musée d’Exile à la Jonquera (Catalogne)

Musée d’Exil à la Jonquera (Catalogne)

De nombreuses plaques en souvenir de la Retirada ornent les villages frontaliers. Des chemins de grandes randonnée transfrontalier retracent le parcours des réfugiés. A la Jonquera, le Musée de l’Exil ouvere ses portes en 2007.

En France, les gouvernements français successifs n’ont pas été trop fiers non plus de ce qui s’est passé en 1939 : les réfugiés étaient parqués à Argelès-sur-Mer à même la plage, obligés à creuser dans le sable pour faire des abris de fortune – au mois de février. Ceux qui étaient toujours dans le coin fin 1940 furent envoyés au camp de Rivesaltes. Plus tard ce camp est devenu « le Drancy du la zone libre » pour les juifs cueillis dans les rafles.

Le Mémorial du Camp de Rivesaltes (au nord de Perpignan) a été ouvert par Manuel Valls en octobre 2015.

 

Le musée propose d’écouter enregistrements de témoins oculaires de la Retirada sur fond de photos des événements, diaporama projeté sur les murs.

Le Mémorial propose d’écouter des enregistrements de témoins de la Retirada sur fond de photos des événements, diaporama projeté sur les murs.

Maquis

En mémoire de Quique et Celes, tombés pour la liberté. La plaque a été rajoutée pour le 50eme anniversaire de leur mort, dans une embuscade près de la frontière, près d’Espolla (Catalogne).

En mémoire de Quique et Celes, tombés pour la liberté. La plaque a été rajoutée pour le 50eme anniversaire de leur mort, dans une embuscade près de la frontière, près d’Espolla (Catalogne).

Ces vingt dernières années les maquisards espagnols ont été réhabilités. La Loi sur la Mémoire Historique, adoptée en 2007, érigeait un cadre administratif pour un processus déjà en développement. Dénigrés comme des voleurs de droit commun ou des bandits par la gendarmerie outre-Pyrénées, et peu connus hors d’Espagne, ils continuaient à harceler le régime franquiste bien après la fin de la guerre civile ; le dernier fut tué à Barcelone en 1965. Ils se planquaient souvent en France, traversant la frontière par la montagne.

Continua Pirineum

Le Continua Pirineum est un projet bien du 21eme siècle. Subventionné par l’Europe, il ambitionne recoudre les relations entre les communautés françaises et espagnoles, rappelant un temps quand les Pyrénées étaient moins une barrière qu’un terrain d’entente – et parfois de mésentente – entre voisins. Un exemplaire, entre tant :

Habillées en noir, arrivant en masse comme les hirondelles, ces jeunes espagnoles traversaient la crête frontalière pour aller travailler dans la manufacture d’espadrilles (entre autres). Mais contrairement aux oiseaux elles allaient au nord en automne pour revenir au printemps. A voir aussi Gérard Caubert : Etonnantes Pyrénées.

 

Hirondelles, golondrinas : le surnom donné aux jeunes espagnoles qui venaient travailler en France

Hirondelles, golondrinas : le surnom donné aux jeunes espagnoles qui venaient travailler en France

 

Parmi les projets du Continua Pirineum on trouve la réouverture de ces chemins transfrontaliers. La création de sentiers faits entre voisins sans planification est devenue un dossier sur la table d’un bureaucrate bruxellois.

Jean Ferrat aurait pu dédier ‘La Montagne’ aux hirondelles.

 

 

Ils quittent un à un le pays
Pour s’en aller gagner leur vie
Loin de la terre où ils sont nés…

Pourtant que la montagne est belle
Comment peut-on s’imaginer
En voyant un vol d’hirondelles
Que l’automne vient d’arriver ?

 

 

Plus sur Manel, berger des Albères

mardi, décembre 9th, 2014
Canigou vu du Pic Neulós

Canigou vu du Pic Neulós

 

Je suis retourné aux Albères à la recherche des traces de Manel, ce berger extraordinaire, qui y vécut au dix-neuvième siècle. Cette fois j’étais accompagné par les adhérents du Club Rando-montagne de Lézignan-Corbières. On a démarré à St Martin, empruntant le GR10 jusqu’au Refuge du Coll d’Ouillat (ouvert pour boissons même en ce dimanche hivernal et venté de décembre).

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Les Pyrénées en itinérance : GR 10 français ou GR 11 espagnol ?

vendredi, septembre 5th, 2014
GR 11 : prairies fleuries au-dessus d’Estos ; au fond le massif de la Maladeta

GR 11 : prairies fleuries au-dessus d’Estos ; au fond le massif de la Maladeta

 

Je les ai traversées deux fois maintenant, les Pyrénées, de l’Atlantique à la Méditerranée. D’abord côté nord, chez nous, puis au sud. J’ai écrit un premier livre sur mes expériences sur le GR 10 (Les Pyrénées tout en marchant, chez Cairn). Et maintenant j’essaie de rassembler mes pensées sur le GR 11 ibérique. Alors, où est l’herbe la plus verte ? GR10 ou GR11?

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Le Puig Neulós, une montagne bien-aimée

lundi, mars 24th, 2014
Bief de moulin

Bief de moulin

 

Le Puig Neulós est sans grand intérêt. Du moins c’est ce que je pensais jusqu’à récemment. Malgré un sommet qui s’élève à 1256m je l’ai toujours pris pour un petit monticule vert, dominé par son grand frère Canigou, deux fois et demie plus haut. La montée depuis la plaine Perpignanaise est très ordinaire, facile même. Pire, en arrivant au sommet vous êtes accueilli par des voitures et une route goudronnée.

Mais cette année je l’ai déjà fait deux fois. J’ai découvert non seulement des profondeurs insoupçonnées, mais aussi un conte dissimulé. Les profondeurs se trouvent dans un pou de neu. Le conte, par contre, est distribué entre plusieurs endroits, quoique bien visible. (Tout est caché pour celui qui ne sait pas regarder ; on vient de m’ouvrir les yeux.) Le conte est une histoire d’amour, l’amour d’un berger pour la montagne où broutaient ses brebis. Manel était pauvre et analphabète, mais il nous a légué un héritage remarquable.

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Canigou en hiver : un point de vue… personnel

jeudi, janvier 16th, 2014

Au sommet

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« C’est le sentier au sommet qui lui donne un sens. Sans l’expérience du parcours, le sommet n’est rien. Ce n’est qu’un point de vue. Le sentier fusionne les sensations et expériences de notre voyage intérieur avec la grandeur de l’extérieur. »

‘La cumbre mística’, Revista Voluntad, 22, 1 Octobre 1920 (Musée de Torla)

***

« C’était quand la dernière fois que tu as fait quelque chose pour la première fois ? »

J’ai vu ce graffiti récemment sur un mur en Espagne et j’en ai fait ma devise. Si je ne fais que répéter les expériences, est-ce que je suis vraiment vivant ?

Tu vas te jeter en parapente ? demande ma sœur. Non, je vais faire le Canigou, je réponds. Mais tu l’as déjà fait dix fois, non ? Jamais en hiver. L’hiver c’est différent.

Jeudi dernier le risque avalanche n’était que deux sur cinq. Ça vous tente, ce weekend, j’ai demandé aux amis randonneurs. Deux ont répondu que oui.

 

Picnic dans la forêt

Picnic dans la forêt

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De Bolquère à Banyuls sur le GR10

samedi, novembre 2nd, 2013
Merci beaucoup à Dermot Dolan pour cet article et ces belles photos. Voir Son blog.
près du refuge de l'orry sur le GR10

près du refuge de l’Orry sur le GR10

 

La Traversée des Pyrénées était pour moi un périple spécial. Je l’ai commencé il y a deux ans, par accident. Je marchais avec un compagnon suisse et nous avons emprunté le GR10 depuis St-Jean-Pied-de-Port pour rejoindre Irun. Au cours de ces cinq premières journées les montagnes ont volé mon cœur. L’année dernière, 2012, j’ai passé 36 jours marchant de St-Jean-Pied-de-Port à Bolquère.

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Le refuge Tomy: probablement le meilleur endroit à passer la dernière nuit sur le GR 10

mardi, mai 22nd, 2012
Refuge Tomy avec son jardin sur le toit

Refuge Tomy avec son jardin sur le toit

 

Si vous faites le GR 10 d’Hendaye à Banyuls et vous n’avez pas de tente, vous avez probablement prévu de passer votre dernière nuit au Chalet de l’Albère au col d’Ullat. Une autre possibilité est le refuge Tanyareda (Tagnarede), une piaule avec graffiti sur les murs, bouteilles au plancher. Vaut mieux dormir à la belle étoile.

En tout cas, il vous restera au moins huit heures de marche le lendemain pour arriver à la Méditerranée – bien sûr vous aurez l’habitude – mais il existe une solution plus près de Banyuls : le refuge Tomy, Can Tomy en catalan.

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Histoires d’herbes

vendredi, mai 18th, 2012
Photo de Francis Chevillon tirée du livre d'Olivier Cazes

Photo de Francis Chevillon et une amie tirée du livre d’Olivier Cazes

Peut-être connaissez-vous le refuge de Mariailles près du Canigou, géré par Olivier et Jean-Jacques ?

Alors voilà une nouvelle intéressante. Depuis deux ans Olivier travaille sur un livre qui regroupe des photos sur le pastoralisme, des illustrations, et des histoires, contes, anecdotes racontés par les cabanes des Pyrénées catalanes et ariègeoises. Comme il l’explique dans un mail que je viens de recevoir, c’est un ouvrage en auto édition qui ne sera pas proposé en librairie.

Pourtant il méritera d’être largement connu. D’après les extraits et photos que j’ai vu sur son site il va être magnifique même.

Olivier lance une souscription pour payer les frais d’impression. J’y participe. Allez voir le site pour plus d’infos.

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La Sanch

vendredi, avril 6th, 2012

Pénitents

La Sanch de Perpignan, c’est un évènement singulier imbu de symbolisme. Naturellement, puisqu’on est le vendredi-saint, pour  les participants, le silence et la mine déconfite sont de rigueur. Aussi obligatoire sont les vêtements uniquement en noir (pour la mort) ou en rouge (le sang), sauf pour les enfants de chœur et les prêtres (les innocents et les élus) où quelques touches de blanc sont permis.
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« Les Pyrénées tout en marchant sur le GR10 » est sortie

mercredi, mars 28th, 2012

Les Pyrénées tout en marchant sur le GR10C’est le récit d’une longue randonnée : près de 1000 kilomètres en soixante-deux jours.

Oui, vous l’avez bien calculé. La Traversée des Pyrénées (GR10), je ne l’ai pas faite à la vitesse d’un TGV. J’ai pris le temps, vieille micheline que je suis, non seulement de regarder béatement les paysages qui passaient devant mes yeux, mais aussi de parler aux habitants. J’ai voulu apprendre comment vivent les montagnards du 21e siècle. Après tout, ce sont eux et leurs ancêtres qui ont créé les Pyrénées.

« De même que les médecins disposent de stéthoscopes pour mieux ausculter leurs patients, les randonneurs possèdent le sentier du GR 10 quand ils veulent scruter le cœur des Pyrénées… »
Pierre Minvielle

Les Pyrénées tout en marchant sur le GR10 (16cm x 24cm, 304 pages, carte) ISBN 978-2350682440 de Steve Cracknell (traduction Lucie Morice). Publié le 26 mars 2012 chez Cairn. Une édition Kindle est également disponible.

Plus de détails, des extraits et une diaporama

map of GR10

 
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