Pic de Crabère

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L’approche au Pic de Crabère est raide mais pas dangereuse. À côté de la Traversée des Pyrénées (GR10), on peut atteindre le sommet dans la journée mais en genéral les randonneurs dorment au refuge d’Araing et montent les 700m de dénivelé qui restent dans la fraîcheur du matin.

hélicopter au refuge d'Araing

Jour I : on ne peut pas tout prévoir

Heureusement, les accidents sérieux, c’est pas tous les jours.

Eylie, à 1000m au-dessus de la mer, était notre point de départ. Face à la pente conséquente nous étions heureux d’être dans l’ombre de la forêt mais bientôt le soleil disparaissait derrière les nuages et le sentier se perdait dans la brume. Ecartant la fougère, crapahutant entre les rochers, nous suivons au mieux la trace en pointillé.

 

camera ONF

 

Donc, c’est une surprise de tomber nez contre nez avec un radar de vitesse collé à un bouleau. Au-dessus on peut lire : « Suivi faune sauvage – ONCFS ». Ici, c’est le pays des ours. Je cherche des griffes sur les arbres : rien.

Plus tard, sortis de la forêt et au-dessus des arbres, nous sommes au bleu de nouveau escaladant une pente de trente degrés écrasés par la chaleur qui semble elle aussi être trente degrés. P se fatigue, marche lentement, haletant. On se regroupe au barrage. On arrive et c’est presque plat. Attirés par l’idée d’une bière fraiche au refuge, nous laissons P nous suivre. Les difficultés sont derrière nous, non ? Mais deux heures plus tard P est ramassé par un hélicoptère.

Quand il n’arriva pas j’ai rebroussé chemin à sa recherche. Je l’ai retrouvé trainant une jambe, la tête ailleurs, tenant son bras gauche dans son bras droit.

« Je suis tombé en arrière, » se plaint-il, me montrant une égratignure minuscule. « J’ai cogné le coude contre un rocher. Les garçons m’ont remis sur les pieds. Ça fait mal ! »

Au refuge, Anoura le gérant me demande si c’est sérieux. Je secoue la tête mais il scrute P, qui se balance mécaniquement d’un pied sur l’autre. « Il semble que si, » dit-il. Il contrôle la mobilité du bras ; il n’y a pas de problème flagrant. P va prendre une douche. Quand il en sort le coude a pris une envergure inquiétante.

« En tout cas, il ne pourra pas descendre avec un bras comme ça, » souligne Anoura, décrochant le téléphone. « S’il trébuche sur quelque chose il va se faire très mal. Je vais appeler maintenant, sinon les secours vont finir leur journée, et il leur faut revenir de la maison. » Ce n’est pas la première fois qu’il a vu un blessé.

Une demi-heure plus tard le hélicoptère descend tel un vautour en piqué, se pose sur un mamelon, et file à toute vitesse.

 

Mer de nuages dans la vallée en-dessous

Mer de nuages dans la vallée en-dessous

 

C’est une soirée étrange, réfléchissant sur cet accident imprévisible, parlant de ce qui aurait pu arriver. Les mobiles ne marchent pas ici. Qu’est-ce que nous aurions fait si le refuge n’avait pas un téléphone satellite ? Et l’expertise d’Anoura était indispensable. L’endroit où P est tombé n’était pas dangereux. C’était la fatigue, on pense.

Jour II : Pic de Crabère

Au matin, on apprend qu’il s’agit d’une fracture du coude. P va être rapatrié et prendra rendez-vous avec un spécialiste. On ne peut rien faire, aussi nous attaquons le Pic de Crabère comme prévu. Il me rappelle le Canigou, avec son chemin en lacets faufilant à travers ces rochers impitoyablement durs. Au sommet le panorama dépasse celui du Canigou. On identifie les plis : le Pic du Midi, le Vignemale, la Maladeta, l’Aneto, le Pic d’Estats, le Valier, le Canigou – la moitié de la chaîne dans un seul coup d’œil.

 

Vue depuis Pic de Crabère vers l’est, avec un névé sur le Canigou

Vue depuis Pic de Crabère vers l’est, avec un névé sur le Canigou

 

L’Aneto (3404m, le toit des Pyrénées) et la Maladeta

L’Aneto (3404m, le toit des Pyrénées) et la Maladeta

 

De retour au refuge un pêcheur fier de lui nous montre ses prises du matin. Nous embarquons nos pique-niques tandis qu’il fait cuire ses truites sur un barbecue jetable.

Notre choix pour le retour tombe sur la traversée des Pyrénées (GR10). On monte au col et descend dans la vallée suivante où un hameau Machu Picchu nous attend. Autrefois site industriel sale, aujourd’hui les baraques repeintes en rouille ont l’air romantique. Les rails tordus du chemin de fer et les pylônes mal fichues évoquent la mine de Bentaillou, fermé depuis un demi-siècle.

La mine de Bentaillou

La mine de Bentaillou

Le chauffage a été allumé encore. Conscient des événements d’hier nous descendons avec précaution, arc-boutés sur nos bâtons. Que la montagne est belle… mais…

 

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