Peut-on protéger ses brebis de l’ours pyrénéen ? Non, dit Éric Fournié

Cet article est également disponible en: Anglais

 

Dans mon dernier article j’ai repris les propos de la bergère-éleveuse Catherine Brunet dans La bergère et l’ours, où elle affirme que les mesures de protection proposé par l’Etat peuvent être efficaces. Ici Éric Fournié, éleveur, et Gérard Pujol, son berger, racontent leur vécu sur l’estive 2017 à travers des interviews dans les média.*

Transcrit de la vidéo

Depuis cinq ans Éric Fournié a fait tous ce que lui conseillait l’État pour protéger ses brebis. Cet été 223 sont montées sur l’estive d’Arréou [Seix, Haute-Ariège, sur le GR10 près du refuge d’Aula] et l’éleveur pensait que cet année ça allait être la bonne.

Éric Fournié : « Ça a dû être une saison de croisière. On avait trois patous sur l’estive, deux bergers. On avait tous les outils pour que ça marche. L’année d’avant [2016] on a eu de bons chiffres. On a eu 17 brebis manquantes et 5 brebis prédatées. En un an on a eu ces deux patous touchés. Et en plus on a eu 60 brebis prédatés et 47 manquantes. Donc, c’est énorme. »

Éric a fait le calcul, sur dix brebis manquantes qui peuvent être imputées à l’ours, quatre seulement sont officiellement reconnues comme tuées par l’animale et donc remboursées. Le reste: de la perte sèche. Pour lui c’est intenable et c’est maintenant à l’Etat de prendre les choses en main.

Éric Fournié : « Maintes fois on a eu des discussions avec l’ONCFS, avec les instances de l’Etat qui nous ont dit que l’ours s’adapte aux contraintes, il suffit de le dresser. Mais ce n’est pas à nous de le faire, c’est à l’Etat. Même si il faut des armes, l’Etat, je ne sais pas, il faut. Quand l’ours fait une attaque on lui tape sur les doigts qu’il recule. Là maintenant on nous a dit prenez des chiens et vous allez faire reculer l’ours. C’est faux. »

Et Gérard Pujol, l’un des deux bergers employés à plein temps peut l’attester. Sur l’estive les patous ne font pas peur aux ours.

Gérard Pujol : « Un matin je me lève, j’entends les patous. Et puis j’entends qu’ils était au ferme. Qu’est-ce que c’est, un sanglier, un renard ou quoi ? On en sait rien. Puis j’arrive là auprès des brebis, à cent mètres j’étais. Les patous se sont tus. Mais c’était l’ours qui mangeait la brebis. Les patous aboyaient. Mais le soir d’après moi j’ai rien entendu mais il est venu me chercher une au même endroit mais les patous à côté. Les patous, c’est pas l’avenir. »

Et Éric et son berger espèrent avoir de nouvelles solutions d’ici juin prochain, date à laquelle les brebis remonteront sur l’estive.

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Brebis dans la haute Ariège

Brebis dans la haute Ariège

 

La Dépêche du Midi confirme les protections mises en place:

Réputée comme «pilote» en matière d’utilisation de protections des troupeaux contre les ours, l’estive d’Arréou n’est pourtant pas épargnée par le plantigrade. À la moitié de la saison estivale [mi-août], ils ont déjà perdu 12 brebis et deux chiens patous.

«Malgré les deux bergers présents 24 heures/24 dans des cabanes près des “couchades” [le lieu où les brebis se regroupent naturellement pour la nuit], et avec trois patous, l’ours nous a attaqués. Les mesures de protection, malgré tout ce qu’on nous a dit, ne sont donc pas efficaces à 100 %», explique Gérard Pujol.

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Aux États-Généraux du Pastoralisme Éric Fournié se plaignait qu’en plus 18 brebis ont été décrochées par un de ses patous. « Nos brebis sont des cobayes. »

Témoignages de Gérard Pujol et un éleveur anonyme sur la même estive qu’Éric Fournié (mai 2016).

En Catalogne la présence des patous n’a pas évité une attaque nocturne, selon un article publié par la chaine TV3 :

15 septembre 2016. Douze brebis mortes après une attaque d’ours sur le troupeau de la montagne de Boldís, dans le Pallars Sobirà. Huit brebis sont mortes de suffocation et quatre de leurs blessures. Il s’agit d’un troupeau de mille têtes gardé autour de la cabane du berger dans un enclos pour la nuit. Les trois patous n’ont rien pu faire.

Néanmoins, globalement en Catalogne les attaques avérées semblent être en nette diminution.

 

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Dans ces deux articles sur l’efficacité des mesures de protection, je n’ai pris que quelques exemplaires parmi beaucoup dans les deux sens. À la commission d’enquête alors de déterminer le rôle des différentes circonstances dans les résultats finals. Elle a du pain sur la planche.

* Mis à jour avril 2019 : La Commission d’enquête a rendu ses conclusions dans un document intitulé Propositions d’évolution des mesures d’accompagnement aux éleveurs confrontés à la prédation de l’ours et aux difficultés économiques du pastoralisme – Cas des Pyrénées centrales . Il signale :

« La taille du troupeau est un facteur important [dans l’efficacité du regroupement nocturne] : la mission l’a constaté sur une estive visitée (estive d’Arreau). Avec les mêmes moyens de protection, le nombre de victimes de prédation a significativement augmenté l’année suivante en parallèle à une augmentation très importante de la taille du troupeau en estive. » (p. 91)

D’après mes informations (d’une autre source) en 2016, lorsque les mesures de protection fonctionnaient, on comptait trois patous pour environ 800 brebis. En 2017 l’effectif des brebis a été doublé, sans augmentation de la protection. En 2018 les éleveurs ont remplacé les patous avec des mastiffs espagnols, réputés plus agressifs.

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