Vallée de Saleix, depuis le col, sur le GR10 entre Aulus et Marc
A deux heures de marche du village de Saleix, Ariège, le choix du site pour la dernière manifestation de l’ASPAP n’était pas évident. Philippe Lacube, un des chefs du mouvement anti-ours et récemment élu Président de la Chambre d’Agriculture, s’explique :
« On aurait pu aller dans les rues de Foix ou de Toulouse. On a préféré être sur nos montagnes. On a préféré être sur nos terres, être chez nous parce que je pense aussi que ce territoire, il faut que l’on se le réapproprie. »
Nous sommes en train de parler de brebis dans les Pyrénées quand Alain Reynes, directeur de l’association Pays de l’Ours, évoque une idée plus large.
« Qu’est-ce que c’est un animal domestique ? me dit-il. L’ancêtre de la brebis c’est un mouflon asiatique. Le processus est que l’on prend un animal sauvage qui a la capacité de vivre en milieu naturel. On le transforme en animal domestique, dont on augmente la production au bénéfice de l’homme et au détriment de sa capacité de vivre en milieu naturel. D’échapper aux prédateurs, de résister aux maladies. Le contrat moral qui est passé entre l’animal et l’homme, c’est que l’homme assure à l’animal de la nourriture, des soins, de la protection et, en contrepartie, l’énergie que l’animal économise à ne pas devoir échapper aux prédateurs, à ne pas résister aux maladies et à rechercher sa nourriture – toute cette énergie-là – il va la transférer à l’homme en forme de viande, de laine, sous forme de travail. Le deal, c’est ça. Quand on a des animaux domestique, dont la nature est d’être sous la protection de l’homme et que l’on les lâche en montagne ils sont incapables de se débrouiller en montagne et évidement ils sont très vulnérables. Le fait de ne pas les protéger, c’est une rupture de contrat. »
Brebis et agneau dans les Pyrenees
La question qui divise les Pyrénées actuellement c’est comment les protéger des ours et des loups ? La nature de ce contrat.
Que c’est agréable, assister à la transhumance. Suivre les bêtes qui partent de la ferme vers les pâturages de montagne pour l’été. Et pour les éleveurs Philippe et Jason Lacube, leurs associés et amis, c’est l’occasion d’expliquer le monde rural et faire la fête avec les 140 personnes venues participer à cette tradition toujours d’actualité. (suite…)
Le Réseau Ours Brun a publié son bilan ours 2017. On compte maintenant 43 ours dans les Pyrénées, avec une zone de présence de 5 000km2, partagée entre deux zones distinctes. 41 vivent principalement dans les Pyrénées centro-orientales (Ariège, Haute-Garonne, Catalogne, plus deux par rapport à 2016) et deux essentiellement dans le Béarn. Et avec dix femelles en âge de reproduire, des oursons sont à prévoir en 2018. (suite…)
Nicolas Hulot, Ministre de la Transition écologique et solidaire, l’a annoncé le 26 mars 2018 : « Je souhaite engager la réintroduction de deux ours femelles dans les Pyrénées-Atlantiques à l’automne. Je vais demander au préfet d’organiser un dialogue pour réussir cette réintroduction. »
Déjà, le 6 mars, Le Tribunal Administratif de Toulouse avait condamné l’État pour carence dans son « obligation de rétablir la population d’ours bruns dans un état de conservation favorable ». Un sondage a montré qu’une franche majorité des Français sont favorables aux ours. En plus Emmanuel Macron, alors candidat à l’Elysée, avait promis : « Il y aurait enfin une réintroduction harmonieuse et discutée de l’ours des Pyrénées ».
Vœu pieux. Quoique l’ours brun fasse partie de l’identité pyrénéenne, et qu’il ait toujours été présent, la souche purement pyrénéenne s’est éteinte avec les premières réintroductions en 1996/7. Les nouvelles ourses slovènes seront fortement contestées.
Aujourd’hui on estime à quarante-trois les plantigrades qui foulent le sol des montagnes. Cela représente une forte augmentation depuis le début des années 1990 quand il n’en restait que cinq. Mais la consanguinité est devenue un problème, les trois-quarts ayant pour père ou grand-père, Pyros, le mâle dominant. En plus, deux célibataires sont isolés dans les Pyrénées-Atlantiques, éloignés de plus de 120km du noyau des Pyrénées centrales. C’est ici où les deux nouvelles ourses vont s’installer.
Le problème est que l’ours attaque les brebis, entre autres. Et les bergers indignés ne sont pas prêts à baisser les bras. L’été 2017 voyait la mort de plus de 400 brebis, selon des chiffres officiels, mais contestés des deux côtés. Plus? Moins? En aout lorsque des agents de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage sont venus constater des dégâts ils auraient subi des menaces de mort. Une plainte a été déposée. Puis le 14 septembre 2017 plusieurs médias ont reçu une vidéo anonyme où un groupe d’hommes masqués tirent en l’air et déclarent l’ouverture de la chasse à l’ours. L’harmonie n’est pas à l’ordre du jour. (suite…)
Gisèle Gouazé avec une partie de son troupeau à Betchat pour l’hiver
Huit cent trente-huit brebis sont montées à l’estive de Mont Rouch début juin 2017 pour leur transhumance annuelle. Comme d’habitude, un berger est resté avec elles tout l’été. Mais malgré tout, qu’une grosse moitié du troupeau en est redescendue à l’automne. L’ours est passé par là. (suite…)
Dans mon dernier article j’ai repris les propos de la bergère-éleveuse Catherine Brunet dans La bergère et l’ours, où elle affirme que les mesures de protection proposé par l’Etat peuvent être efficaces. Ici Éric Fournié, éleveur, et Gérard Pujol, son berger, racontent leur vécu sur l’estive 2017 à travers des interviews dans les média.*
Depuis cinq ans Éric Fournié a fait tous ce que lui conseillait l’État pour protéger ses brebis. Cet été 223 sont montées sur l’estive d’Arréou [Seix, Haute-Ariège, sur le GR10 près du refuge d’Aula] et l’éleveur pensait que cet année ça allait être la bonne.
Vingt ans depuis la réintroduction de l’ours dans les Pyrénées, et la question n’est pas encore tranchée. Certains éleveurs et l’Etat affirment qu’avec un patou (chien de protection), un berger en permanence sur l’estive (pâturage d’été en montagne), et le regroupement nocturne, les dégâts sont minime, surtout en comparaison avec la mortalité naturelle.
D’autres éleveurs, notamment dans le Couserans (haute-Ariège), affirment que la cohabitation n’est pas compatible avec la conduite en « escabot », brebis dispersées dans une montagne escarpée et rocheuse. Pour certains d’entre eux qui ont suivi les recommandations de l’Etat, les mesures de protection se sont avérées inefficaces.
Je suis allé aux États-Généraux samedi dernier. Pour moi, il y avait deux faits marquants. L’un était l’annonce d’une investigation scientifique sur l’efficacité ou non des mesures de protection des brebis face a l’ours. Et le deuxième était que le conseil départemental de l’Ariège envisage la coexistence de l’ours et des brebis.
Est-ce que l’on prélève trop de loups en France ? Ou pas assez ? L’Association pour la Protection des Animaux Sauvages et France Nature Environnement ont saisi le Conseil d’État, avec l’appui du rapporteur, exigeant une inflexion dans la gestion du dossier loup sur le bureau du ministre de l’Environnement. L’arrêté ministériel de 2015 fixe à trente-six le nombre maximum de loups qui peuvent être tués s’ils s’acharnent sur des troupeaux. Les associations veulent que le ministre prenne en compte l’évolution de la population et non seulement les attaques et demande qu’il réduise ce chiffre.
Par contre, comme montre une manifestation au péage de l’autoroute à Pamiers, certains éleveurs redoutent l’avenir face aux nouveaux prédateurs.